dimanche 7 février 2016

Pour un autre cinéma...

Manifeste pour un autre cinéma (Suite)
Rappel. Une lecture sereine et attentive des différents chiffres qui concernent le bilan général du cinéma marocain invite à repenser l’ensemble du mode de production et d’écriture qui a présidé jusqu’ici à l’éclosion de ce qui est tout de même les prémices d’un cinéma marocain. Les chiffres dressent en effet un constat accablant ; celui en particulier qui a tout mis à nu est relatif au nombre d’entrées ; celles-ci ayant franchi, dans le mauvais sens, la barre fatidique du million d’entrées pour l’année 2015. C’est à partir de là que nous avons considéré qu’il était temps de sortir d’une hypocrisie ambiante et affronter la dure image que nous renvoie la cruauté du miroir des chiffres. Il nous a semblé alors utile de relancer l’idée que nous avons énoncée à l’occasion du festival national à Tanger en janvier 2015, celle d’appeler à un autre cinéma qui rompt avec les formes actuelles de financement, de gestion de la production, d’écriture et de rapport à la société. Pour un cinéma pauvre, populaire, politique et porté par une approche documentaire
De quelques principes. Les chiffres continuent à parler appuyant notre thèse consistant à dire que désormais quelque chose est en train de changer sous nos yeux : notre rapport au cinéma n’est plus le même. Alors que nous continuons à penser et à faire du cinéma selon d’anciens paramètres, un autre rapport au cinéma / aux images a déjà pris le pouvoir. Le dernier chiffre en date concerne le nombre de salles encore en activités. Selon le dernier communiqué de la commission d’aide à la numérisation des salles de cinéma, le Maroc ne compte plus que 31 salles en activité contre 39 en 2012, réfutant ainsi le discours du ministère de la communication qui s’enorgueillit dans ses documents officiels (y compris devant les parlementaires) qu’aucune salle n’a été fermée depuis…2012. Le constat est encore plus éloquent quand le communiqué précise que 30% de ses salles se concentrent à Casablanca et que plus de la moitié se trouvent dans trois villes (Marrakech, Tanger, Rabat). Cela confirme encore le postulat qui a présidé au lancement de notre appel à savoir que le cinéma en tant que pratique sociale est en train de disparaître de notre paysage urbain. Le geste fondateur d’une certaine urbanité, celui de la sortie pour une séance de cinéma relève désormais des antiquités. Des villes sans cinéma, c’est triste. Le cinéma comme activité sociale donne sens à la vie communautaire. Un spectateur de cinéma est un citoyen en puissance car en faisant le geste d’aller dans une salle de cinéma, il participe à une activité collective qui donne sens à la vie urbaine. A la cité.
Il ne suffit pas/plus de crier au loup : la piraterie, le téléchargement, la concurrence des nouvelles formes de circulation des images, désormais chacun porte avec lui sa cinémathèque idéale dans sa tablette ou Smartphone…Non, il s’agit d’opérer une révision copernicienne de notre rapport au cinéma. De produire le cinéma. De distribuer le cinéma D’écrire le cinéma. Le Centre cinématographique du cinéma et les professionnels du secteur ont produit toute une riche littérature sur la question des salles avec des propositions concrètes. Avec à la clé tout un projet, bien ficelé, pour relancer, rénover le parc de l’exploitation. La balle est dans le camp des décideurs politiques. A eux de dire s’ils veulent voir encore des salles de cinéma dans nos villes.

Toute réponse à ce (seul) niveau ne serait d’ailleurs que partielle. Il y a certes urgences à ce que ce programme de sauvetage soit entamé mais la nature du mal est telle qu’il ne faut plus des palliatifs mais une véritable intervention radicale. Une nouvelle culture qui réponde à la nature de nouveaux enjeux. Il y a un nouveau public qui arrive au commande ;  ce sont les enfants du numérique et des Playstations ; désormais toute réflexion doit prendre cette donne en compte. A commencer par une révision du mode de production de nos films, de leur circuit et supports de distribution et leur rapport à l’imaginaire collectif de la société (leur scénario). Nous sommes pour un autre cinéma adapté à la réalité économique du pays, adapté aux enjeux culturels qui le traversent et en adéquation avec les possibilités qu’offre la révolution technologique. Si le public ne vient plus au cinéma ; c’est au cinéma d’aller vers lui par un changement radical de son support de diffusion et de son modèle dramatique.

Aucun commentaire:

Albachado de Hassan Aourid

  L’intellectuel et le pouvoir ou la déception permanente ·          Mohammed Bakrim «  Avant d’être une histoire, le roman est une in...