samedi 25 juillet 2015

Rire au Maroc aujourd'hui

Vaut mieux en rire ? !
« Celui qui ne sait pas rire ne doit pas être pris au sérieux »
Philippe Sollers
De Dakhla à Nador en passant par Agadir, Marrakech ou Casa…chaque ville, chaque région du Maroc a des désormais son festival du rire. Le cinéma qui détient jusqu’à présent le record du nombre de manifestations qui lui est dédié va-t-il perdre bientôt ce leadership au bénéfice du rire ? Le rire est en effet présent, que dis-je, est omniprésent partout; il est sur scène et à l’écran.  On vient de sortir d’un mois de Ramadan où les différentes chaînes que compte le tristement célèbre PAM (attention pas de confusion, il s’agit du paysage audiovisuel marocain) ont multiplié d’ingéniosité pour nous faire rire (tant pis si le résultat est l’inverse). Il y a indéniablement un vouloir faire rire qui plane sur la place. A se demander s’il n’y a pas lieu de parler d’une politique publique du rire ! De quoi cela est-il le nom ? Que signifie cette frénésie qui anime des acteurs de la société civile à vouloir organiser ici et là des rendez-vous, des manifestations exclusivement centrées sur les spectacles humoristiques. Sur le rire. Qu’est-ce que cela traduit de la réalité de notre imaginaire collectif ? Autant d’interrogations qui en amènent une autre : peut-on parler sérieusement du rire ? Certes on a déjà beaucoup écrit sur le rire ; cela va d’Aristote à Bataille en passant par Bergson (un texte fondateur) Freud et Lacan…mais comment en parler aujourd’hui, ici et maintenant. Je pose ces questions tout en ayant présent à l’esprit ce que soulignait Voltaire : ceux qui cherchent des causes métaphysiques au rire ne sont pas gais !
Nietzsche (nous vivons décidément des temps nietzschéens !) notait pour sa part que « les amoureux  de la vérité » manquent d’humour. Nous en avons eu une formidable illustration avec les événements extraordinaires que nous avons vécus depuis le printemps dernier. Les grands titres de l’actualité ont manqué d’humour : on n’a pas beaucoup rigolé (sauf sous cape !) quand on a eu affaire à des sujets de censure, de lapidation, de viol…Ce trop plein de sérieux cherche alors à s’extérioriser dans d’autres espaces accentuant la dichotomie, si ce n’est l’hypocrisie sociale qui préside désormais au débat dit sociétal.
Ce trop plein de rire, organisé, disons plutôt « marketé », marchandisé cache mal un malaise voire une angoisse. Prendre le parti d’en rire est un écran qui se dresse face à un réel de plus en plus complexe. Le rire qui revient en force dans sa forme médiatisé est une réaction ; une riposte au trop plein d’angoisse. Une réplique au Sur-moi qui pèse de tout son poids sur les relations sociales (le retour du bâton moral à propos des comportements individuels en est un exemple). En somme cette invitation au rire collectif  est une manière de se doter d’une arme défensive contre le tragique ambiant.  
En fait, le rire a de nombreuses fonctions. Je mettrai bien en avant celle de défense spontanée contre l’oppression, la persécution les malheurs… C’est une arme intraitable des victimes comme l’a très bien scénarisé Charlot. Le rire, la dérision font vaciller les puissants. Du coup ils  cherchent à tout prix à mettre les rieurs de leur côté. Il permet aussi de renforcer le les liens sociaux, à rassurer la tribu dans son unité fondatrice.

Le rire c’est aussi et surtout un savoir vivre, un art de vivre l’altérité, un moyen de sortir du carcan des conformismes. Il est alors un indicateur d’intelligence comme le relève pertinemment Michel Onfray : « La capacité à rire est en relation avec la dose d’intelligence dont disposent les protagonistes, bien sûr. Le rire gras, scatologique, misogyne, raciste, antisémite, le rire des comiques médiatiques actuellement en vogue à la télévision (et tellement utile pour les parts de marché !), ce rire qui ne demande qu’un quotient intellectuel standard, celui-ci est la plupart du temps embourbé dans ce premier registre et touche prioritairement un public d’imbéciles... ».  

1 commentaire:

Unknown a dit…

Rira bien qui rira le dernier. Quelle est l'opportunité qui justifie la publication de cet article ?

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