dimanche 5 janvier 2014

le foot, le Raja...un paradigme social


L’avantage avec le football, c’est que chacun peut donner son avis ; Godard aimait d’ailleurs reprendre cette formule à l’envers en l’appliquant au cinéma, tout le monde peut avoir un avis sur un film. Au football,  de surcroit, chacun  peut même jouer à l’expert. L’on se rappelle lors des différents déboires de l’équipe nationale, on découvre que notre pays dispose de 40 millions de directeurs techniques ; chacun ayant son équipe type, sa formule magique pour redresse la barre…

Cependant, ce week-end  grâce au Raja et au mondial des clubs, le football retrouve ses lettres de noblesse et nous rappelle à sa réalité profonde, celle d’un phénomène de société ; aux dimensions multiples, sportives bien sûr mais aussi économiques, sociales, symboliques, et comme on vient d’en avoir une nouvelle preuve, psychologiques. Il y a comme un vent d’optimisme qui souffle sur le pays ; d’autant plus que la performance du club vert de Casablanca vient dans un contexte terrible vécu par le football marocain à tous les niveaux. Un championnat qui tarde à prendre de l’allure, une équipe nationale cantonnée dans une série de déboires et une gestion calamiteuse à tous les échelons de la hiérarchie fédérale. A cela s’ajoute un climat général morose, accentué par la sécheresse, devenue le titre générique de l’étape… La magie du football, c’est de créer des moments qui transcendent le conjoncturel au bénéfice d’une nouvelle configuration des rapports sociaux marqués de joie, de convivialité et de liesse collective qui relève du rituel de consécration et de célébration comme les sociétés savent en inventer, d’une manière cyclique, pour conjurer le mauvais sort.

Mais il s’agit de savoir raison garder. Il faut éviter de surcharger une victoire sportive, tentation facile encouragée par l’illusion lyrique née des ivresses des soirées de victoire. En d’autres termes, résister à la surinterprétation et proposer une lecture sereine qui saisit effectivement tout l’impact social et culturel d’une compétition sportive, en l’occurrence, le mondial des clubs, dans un contexte spécifique qui est celui de la société marocaine à un moment décisif de la refondation de son contrat social. Sous l’effet de la médiatisation, le football, est devenu un lieu d’investissement symbolique où se reflètent les images, les représentations et les interrogations qui traversent l’imaginaire collectif. Face à un résultat sportif, c’est l’ensemble du corps social qui laisse libre cours à ses réactions profondes. Les reportages télé qui ont fait suite à la victoire du Raja, samedi dernier, ont montré que ce résultat a été rapidement intégré à une reconstruction du moi social « ce n’est pas le raja qui a gagné, c’est le Maroc » ; « tous les Marocains sont rajaouis »…le tout renforcé par l’exhibition du drapeau national. La scène sportive devient alors le lieu de la mise en scène de représentations qui confinent à l’idéologique.

Le football reste in fine, une pratique sportive dont les performances sont tributaires de schémas et de politiques. Il y a aussi une grande marge qui dépend de l’aléatoire. Le scénario que vient d’écrire le club du Feu père Jégo est instructif à cet égard. Voilà une équipe qui perd une finale de coupe ; sort vaincue de ses dernières confrontations…et à quelques jours du grand événement mondial, s’offre le luxe de  limoger son entraineur ; celui-là même qui a balisé le chemin pour parvenir au mondial. Pour ceux qui connaissent un peu l’histoire du grand club casablancais, ne sont pas en fait surpris…le Raja  a toujours été un club qui ne s’enferme pas trop dans le rationnel…Longtemps le Raja a été l’équipe qui pratiquait le football le plus séduisant, grâce à des joueurs hyper doués, sans se soucier ni des résultats ni des titres. Il a fallu le tournant managérial qui a marqué notre époque pour voir le Raja sortir enfin de son « populisme » pour aspirer au statut de club professionnel. Ayant accédé maintenant à l’étage des demi-finales, les verts sont libérés de toute pression. Désormais tout est bénéfice pour eux. Ils devraient jouer à leur guise, pratiquer un football plaisant inscrit dans le code génétique de leur équipe. D’autant plus que le hasard les a mis face à une équipe brésilienne ; une école de football dont le Raja a été longtemps le digne représentant. Bon vent alors…

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