mercredi 8 janvier 2014

le documentaire à la télévision


« Le plus vrai que le vrai, le modèle »

J. Baudrillard

Chaque dimanche, en soirée, la deuxième chaîne de télévision propose à son public, une fenêtre, « une case » dans le jargon du milieu, sur « le documentaire ». Une ouverture tant attendue non seulement par les professionnels et les cinéphiles mais également par une large frange du public de la télévision soucieuse de voir revenir du sens à une programmation tentée de plus en plus par la recherche du sensationnel facile et abêtissant. Autre élément positif, les films proposés sont programmés à une heure, aux alentours de 21H30, potable, susceptible de rencontrer un  véritable public. Il reste maintenant à voir ce qui sera l’angle qui portera cette programmation. L’intitulé choisi « HH : des histoires et des hommes » est suffisamment large pour embrasser un concept élastique. Nous sommes passés dernièrement d’une légère et brillante rétrospective du documentaire marocain des années 60, à un documentaire musical El Gusto de  Safinaz Bousbia, véritable remake algérois de Buena Viesta social club de WIM Wenders, à un documentaire ethnographique, Les chemins de la Baraka de Khamis Mesbah et Manoel Pénicaud. Présenté dimanche dernier, ce film d’une cinquantaine de minutes remonte à l’année 2007, renforce cette tendance de la diversité qui caractérise la programmation actuelle. Le film lui-même est un projet de choix éditorial. Il offre à la chaîne une piste à approfondir, et un catalogue à enrichir par des acquisitions internationales et par de l’autoproduction ; l’ethnographie filmique est un chantier vierge dans le paysage audiovisuel marocain. La chaîne peut ainsi s’offrir une « identité documentaire » à l’instar des télévisions stars en la matière : la 4 Channel en Angleterre qui avait ouvert la voie, la chaîne franco-allemnade, Arte… car l’éclectisme actuel ne peut tenir lieu de ligne éditorial.

En s’offrant cette case dite documentaire, inaugurée ne l’oublions pas par une multitude de reportages allongés, tenant lieu de documentaire, 2M s’est offert une couche de cosmétique culturelle. Mais à quel prix ? Avant même d’interroger le contenu proposé, rappelons que la promotion du documentaire s’est accompagné de la mort du cinéma sur la chaîne. Les grands rendez-vous cinéma qui avaient marqué le démarrage de la chaîne d’Ain Sbaâ et son installation, longtemps confortable dans le PAM, ont disparu progressivement ou ramenés à des moments peu visibles. Cinéstar n’est plus que la copie pale de ses années de gloire. Le grand film d’action du dimanche soir a disparu ainsi que les séances cinéphiles de minuit. Pour couronner ce choix, la chaîne a zappé toute émission destinée à promouvoir la culture cinématographique ou pour le moins à accompagner l’activité cinématographique dans le pays. C’est un choix ; la case documentaire apparaît alors, hélas, comme un subterfuge, pour camoufler la victime sacrificielle qu’est devenu le cinéma à la télévision. On offre le documentaire comme une composante légitimant une certaine image de la chaîne. Cela peut être une arme à double tranchant. S’il offre à la chaîne la possibilité de s’auto-promouvoir, le documentaire sera très vite le test majeur de sa capacité à tolérer la différence et de sa marge de liberté dans la programmation, au sein d’un environnement culturel où les professionnels des fatwas d’exclusion sont en embuscade, prêts à tirer sur tout ce qui bouge. Le documentaire suppose en effet un haut degré de liberté et de maturité intellectuelle. Il pose non seulement les questions du réel mais aussi la question de la représentation de ce réel.

 

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