dimanche 14 mai 2017

Hicham Lasri expose


Casablanca comme expérience graphique
Le cinéaste Hicham Lasri est  à l’institut français de Casablanca, à partir du 10 mai, cette fois comme dessinateur-graphiste-auteur de livre. Autour du thème Fawda, le cinéaste nous livre en signes scripturaux et icono-graphiques sa vision de la ville, de l’espace et des êtres qui se cherchent entre dessein et dessin. Entretien exclusif.
Mohammed Bakrim




Après le roman graphique Vaudou, tu viens d’inaugurer une exposition et de présenter un livre autour de Fawda, une nouvelle expérience graphique ; comment pourrais-tu nous présenter cette nouvelle exposition et le livre qui l’accompagne ?
FAWDA est un projet qui m’a occupé les 3 derniers mois, il s’agit de donner naissance à un corpus composé d’une exposition comprenant l’accrochage de planches originales, de créer une sorte de papier mural pour les soutenir et aussi de marquer le coup en sortant mon 2e roman graphique après Vaudou édité en 2016 par Le Fennec. Il est clair que j’ai trouvé beaucoup de plaisir à créer Vaudou et j’avais envie après la fin de la postproduction de HEAdbANGLullaby de continuer à creuser le sillon entamé avec Vaudou et même certains de mes travaux pour le digital (No Vaseline Fatwa ou Bissara Overdose). Fawda, le roman graphique a bénéficié aussi d’une méthode de fabrication totalement handmade grâce à ma collaboration avec les Editions Kulte, et cette méthode a apporté à mes planches, mes textes et mes collages un supplément d’âme injecté par la machine et la technique risograhique…
Je trouve géniale de prendre ce qu’il y a de meilleur dans cette époque digitale pour faire des créations analogiques, on parle toujours de la crise de livre ou des lecteurs et je trouve important de construire des murs avec des œuvres de créations, que cette création soit personnelle, anticonformiste, en dehors des tendances, de l’asservissement au « flavor of the day » et du coup de cette singularité qui m’est très chère.
Mais Fawda, vient aussi d’un malaise : Depuis quelques temps j’ai le sentiment que tout nous pousse à prendre une position « politique » sauf que je ne suis qu’un artiste et un artiste est plus fort que tous les politiques, un artiste est un créateur ex-nihilo d’une vision du monde, je préfère prendre une position Ethique et non politique.C’est le genre de chose qui déplait aux idéologues et à leurs larbins, donc j’essai de m’extraire au maximum à la gravité et à l’air vicié qui m’entoure : la plupart des réalisateurs ne font rien de personnel. Ils sont toujours les esclaves de ce système (publicitaire, institutionnel…) qui les pousse à répondre à la « commande » mais ne font jamais « œuvre personnelle ».
Je trouve triste ces stars de cinéma qui ne font que des publicités,
Je trouve triste ces réalisateurs qui ne font que des web-séries professionnelles, ces réalisateurs qui ne font que des pantalonnades en espérant que ça va attirer le public du Mégarama, ceux qui font exclusivement des travaux de commande avec très peu d’investissement et finissent par se perdre dans la moissonneuse batteuse du
Je trouve triste les chanteurs obligés de chanter comme des charretiers (les paroles affligeantes type Derti Lia Teyyara et autres insultes du Hammam – et c’est le créateur de Bissara Overdose qui le dit)…
Personne ne fait rien pour la gratuité du geste, de l’art, pour la poésie du storytelling et c’est quelque chose que je trouve effrayant…
Je réalise que ceux de ma génération ne sont que des esclaves, des galériens, et ma crainte, ma hantise : quand la poussière retombera on n’aura accompli rien qui puisse supporter la comparaison avec les génération Hassan 2… je ne suis ni nostalgique, ni réac, mais comme le chante si Bien Léo Ferré : le désespoir est un forme supérieure de la critique… voilà pourquoi Fawda !
1)      Quel est ton rapport au dessin et à la graphie ? Une passion en liaison avec tes lectures d’enfance ?
La bande-dessinée est un des piliers de mon enfance. J’ai cinq frère et sœur, mais j’ai passé une enfance solitaire, courbé sur les livres, les pages que je noircissais avec mes histoires, mes nouvelles depuis mes 10 ans et la bande-dessinée était toujours quelque part autour de moi, à travers les antiques publication Lug (Strange, Nova, Mustang) ou les Fumetti (Swing, Rodéo,Bleck Le Roc) mais aussi les traductions des certains BD en arabe (Grendizer, Tarzan, Conan le Barbare…) après, il y a eu le télescopage avec Alan Moore et la BD anglaise… Il ne faut jamais oublier que je suis un enfant des Années 80 (avant l’avènement de 2M, avec la RTM qui commence à 18h30 et se termine à 23H, la rareté des images en mouvement a été remplacée par les cases de bande-dessinée de mauvaise qualité sur du mauvais papier (on parle de vintage maintenant) donc, ma soif de Storytelling et mon envie de métafiction découle totalement de ce environnement que je peux qualifier comparer à un « écran noir ». D’ailleurs dans tous mes films, on commence presque toujours avec un écran noir comme pour marquer ce moment pré Big-Bang, ce moment d’avant l’explosion qui préfigure l’univers quantique qui sera en expansion – donc générant des images : les étoiles, les nébuleuses, les planètes… - donc pour répondre de manière plus pragmatique : la lecture et la bande-dessinée et Metallica ont sauvé ma vie.
2)      Comment tu gères le rapport cinéma/dessin : les personnages sont identiques ; des transpositions d’un univers à l’autre ? Tu dessines tes plans avant de les filmer ?

Je suis un littérateur, tout commence avec le choix chirurgical du mot et de la définition, après rien ne change quand j’écris un scénario de film, un scénario de sitcom, de Bissara Overdose ou une bande-dessiné : je reste fidèle à mes obsessions mais je change de méthode de travail pour ne pas m’ennuyer. Je ne peux être créatif que si je travaille sur plusieurs projets en même temps, donc quand je travaillais sur HEAdbNAGLullaby en postproduction, j’avais le temps de dessiner tous les jours deux planches de Vaudou, maintenant que je travaille sur la postproduction de Jahilya – mon 6e long-métrage – j’ai trouvé le temps de faire 200 planches. J’essaie d’éviter de centrer mes travaux graphiques sur des personnages, pour être dans des espaces, des moments, des digressions, des gestes, ça permet à la fois une liberté et aussi une sorte de spontanéité. Avant, j’étais obsédé, comme tous jeune réalisateur, par l’idée de contrôle et donc de storybaord, maintenant, je trouve beaucoup plus amusant d’être en glissement ou en dérapage contrôlé quand il s’agit de faire un film. Je structure mon film de manière rigoureuse, mais je laisse des interstices pour laisser entrer le miracle de la vie, ce que le tournage apporte comme âme, comme négation, comme lumière, c’est les même interstices que je laisse pour le regard « spectatoriel » : comment laisser chaque spectateurs investir le film et ne pas le traiter comme du bétails qu’on fait traverser le récit comme si c’était un parcours fléché ou un enclos pour passer la douane :  pas de visa pour l’émotion et l’imagination…

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