mardi 11 septembre 2012


l'argent du cinéma: 2ème partie


Un peu d’histoire
Parler aujourd’hui du cinéma marocain, c’est parler de l’histoire de l’aide au cinéma. Celui-là n’aurait pas existé sans celle-ci. D’ailleurs, le Maroc passe pour être un modèle régional et continental en matière d’aide publique au cinéma.au Maghreb, en Afrique, le Maroc est regardé avec admiration…et jalousie. Faut-il rappeler que parmi les premières actions de la nouvelle Tunisie post-Ben Ali, en matière de cinéma, était de réfléchir au modèle marocain avec notamment un décret gouvernemental instaurant un organisme public du cinéma et une réflexion sur les modalités d’aide publique à partir de l’exemple marocain : un jour l’histoire dira ce qu’il en a été exactement et qui a aidé dans ce sens nos frères tunisiens…
Précisons d’emblée néanmoins que la formule marocaine actuelle n’est pas la panacée ; elle est, elle-même, le résultat d’un processus et d’une longue maturation. Comme elle est appelée aussi à évoluer. Trois étapes vont caractériser ce processus :
1980- 1987 : le fonds de soutien
1987-2003 : le fonds d’aide à la production
Depuis 2004 : l’avance sur recettes
Ces grandes datent qui balisent l’évolution de l’aide au cinéma sont aussi traversées de dates intermédiaires qui renvoient à des corrections et des amendements apportées aux textes fondateurs ; ce fut le cas notamment en 1995, 1997, 2003, et 2005…A chaque fois, l’autorité de tutelle et les professionnels apportent des réajustements en fonction du retour d’informations à partir de la pratique.
 Il faut donc remonter à la fin des années 70 pour trouver la première trace financière d’une intervention étatique d’aide à la production. Rappelons que le Centre Cinématographique Marocain avait parmi ses prérogatives originelles de produire…cela a donné lieu à une riche filmographie de courts métrages notamment institutionnels et à quelques tentatives en matière de long métrage de fiction de Vaincre pour vivre à Sarab… Mais l’aide proprement dite remonte à 1980. A cette époque on parlait du fonds de soutien à la production. C’était quasiment une aide automatique, tout projet déposé auprès de la direction du CCM disposait d’une prime à la production. Le cinéma marocain vivait une traversée du désert : en moyenne un film par an : à peine vingt films ont été produits depuis 1958, c’est-à-dire depuis Le fils maudit de Mohamed Ousfour considéré par certains historiens comme le premier film réalisé par un Marocain, jusqu’à 1979.
Avec l’entrée en vigueur de la formule du fonds de soutien et de la prime à la production le nombre de films va connaître un accroissement considérable. Rien qu’entre 1980 et 1984, vingt-six (26) films de long métrage vont voir le jour et permettre l’émergence, en 1982 à Rabat, d’une manifestation entièrement dédiée au film marocain ; ce sera le Festival National du Film. Il est utile de rappeler le montant de la prime octroyée à l’époque à travers quelques exemples. C’est ainsi que pour l’année 1980, un film comme Le Facteur de Hakim Noury avait obtenu 360 000, 00 dirhams ; Alhal (Transes) de Ahmed Maanouni avait obtenu 100 000,00 dhs ; Le grand voyage de  Tazi 350 000, 00 dhs. En 1981, Le coiffeur du quartier des pauvres de feu Mohamed Reggab avait obtenu 300 000, 00 dhs ; Les beaux jours de Shehrezade de Mostafa Dekaoui avait obtenu 400 000, 00 dhs. Hadda de Mohamed Aboulouakar en 1984 avait eu pour sa part 400 000, 00dhs.
Cette première expérience ne fera pas long feu : déjà à l’époque on avait ressorti le débat sur la quantité qui a « primé » sur la qualité. Rien de nouveau sous le soleil, à ce niveau aussi !
Ce tableau va nous permette de récapituler le nombre de films produits et le total des montants distribués lors de la première expérience du fonds de soutien au cinéma au Maroc, lors de la décennie 1980 – 1989 :






Nombre total de films soutenus
Avant production
Après production
Total soutien
en Dhs
Moyenne soutien par film en dhs
Longs métrages
42
39
3
15 127 000,00
360 166,67
Courts métrages
34
32
2
1 558 000,00
45 823,53
TOTAL SOUTIEN
 16 685 000, 00 DHS


Cette première expérience, malgré les critiques suscitées ici et là,  ouvrira la voie à l’entrée du Maroc dans le club des pays qui apportent un soutien public au cinéma. Il faut aussi préciser à ce niveau que le fonds de soutien instauré à partir de 1980 était principalement alimenté par la taxe (10%) prélevée sur les billets de cinéma : signe des temps, le cinéma était fiancé par le cinéma. Cette situation va être bouleversée dès la fin des années 80 avec la chute vertigineuse des recettes guichet et le début d’érosion du parc des salles de cinéma. 
La formule initiale  sera alors révisée à la fois dans son mode de fonctionnement et dans les modalités de financement ainsi que sur le montant de l’aide octroyée.
Dès 1987, on instaure l’idée d’une commission composée de personnalités de divers horizons et surtout instaurer le système de la sélection sur dossier. On assistera alors à un nouveau départ de la production cinématographique nationale. Les montants octroyés vont connaître une progression consistante.
Le tableau récapitulatif suivant nous en donne un bref aperçu sur la période 1990-2003

Nombre de films soutenus
Avant production
Après production
Total du soutien
Moyenne par film
Longs métrages
83
73
10
145 024 250,00
1 747 280,12
Courts métrages
63
44
19
14 092 875,00
223 696,43
Total soutien
159 117 125,00 dhs


Les chiffres commencent à avoir leur propre éloquence ; les résultats ne tardent pas à suivre ; la décennie 90 sera taxée de tournant dans l’évolution du cinéma marocain notamment à travers le paradigme de la réception publique. Un film emblématique de cette rencontre avec le public, Un amour à Casablanca de Abdelkader Lagtaâ avait obtenu 800 000,00 dhs ; un film très prisé par les cinéphiles, La plage des enfants perdus de Jilai Ferhati avait obtenu 930 000,00 dhs ; A la recherche du mari de ma femme de M.A Tazi avait bénéficié d’une aide de 1 750 000, 00 dhs… Entre 1980 et 2003, l’aide publique au cinéma a permis la production de 129 longs métrages et 93 courts métrages ; le montant global de l’aide se chiffrant à 177 929 125, 00 dhs. Les choses sont mûres alors pour passer à une nouvelle étape et à une nouvelle formule d’aide au cinéma. Ce sera le système de l’avance sur recettes. 

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